Les enjeux de l’EEDD
L’éducation à l’environnement revêt la préoccupation fondatrice qui est celle de construire avec l’enfant le respect du monde, de l’autre, et du futur.
Philippe Meirieu considère l’éducation à l’environnement comme une priorité du champ de l’éducation en France, qui devrait être introduite dans toutes les matières enseignées et non pas simplement comme un objectif supplémentaire. Il dénonce le fait que l’EE soit aujourd’hui trop souvent présentée comme une information technique alors qu’elle renvoie en réalité à une éthique fondamentale.
« Militer pour l’Education à l’Environnement c’est, je crois, militer pour un monde où on accepte que chacun soit l’auteur de son propre destin, où, collectivement, les êtres puissent, ensemble, écrire leur propre histoire et non pas être écrits dans une histoire, à laquelle ils seraient définitivement condamnés à échapper ou par laquelle ils seraient définitivement broyés. L’Education à l’Environnement n’est pas, une discipline marginale, un supplément d’âme dont on pourrait saupoudrer les programmes scolaires en rajoutant une heure ici ou une heure par-là. L’Education à l’Environnement, c’est une éducation à la responsabilité et à la citoyenneté planétaire, et à ce titre, c’est l’exercice même de ce principe de responsabilité à l’égard du futur, pierre de touche de notre morale collective. »
Ainsi l’EEDD doit se développer, et pour cela elle a besoin de stimuler toutes les formes de coopération, d’échange et de mutualisation possibles entre les personnes différentes au plan de l’âge, de la culture, de l’origine sociale, des goûts et des aptitudes. Le projet de l’EE requiert que les acteurs mutualisent au plus vite leurs acquis et s’interrogent ensemble sur les nouveaux outils à inventer.
Philippe Meirieu reconnaît le rôle et l’histoire de l’éducation populaire dans le champ de l’éducation à l’environnement qui dès le départ, permettait aux enfants de réfléchir, dans des environnements différents et à l’occasion d’activités pédagogiques diversifiées, sur l’interaction entre les hommes et le monde. Il valorise ainsi la diversité des approches et méthodes pédagogiques tant à l’école qu’en dehors.
Quatre approches de l’EEDD
Lors de son intervention au Forum Planèt’ERE 2, Philippe Meirieu a présenté quatre approches de l’Education à l’Environnement, en précisant que ces approches ne sont pas exclusives les unes des autres et qu’elles peuvent être complémentaires :
Il présente ensuite la trame d’un projet éducatif pour l’EE dont l’objectif serait de faire exister le monde dans sa concrétude et sa diversité :
- D’abord faire exister le monde, le faire reconnaître comme extérieur à l’enfant, lui faire découvrir un monde objectif en dehors de son monde subjectif.
- Ensuite faire exister les autres dans le monde, différencier l’espace public (intérêt commun) de l’espace privé (intérêt individuel), ce qui est à nous et ce qui est à moi.
Ainsi le rôle de l’éducateur à l’environnement sera l’accompagnement de l’enfant dans ce passage d’un monde objet à un monde projet.
D’un monde objet à un monde projet, l’accompagnement de l’enfant
« L’enfant est avant tout un être égocentrique, grandir c’est renoncer à la toute puissance sur le monde, comprendre que le monde n’est pas un jouet, qu’il existe autour de soi ». L’éducation doit permettre à l’enfant de passer d’un monde objet à un monde projet.
Pour aider l’enfant à passer d’un monde à l’autre, l’éducateur peut combiner plusieurs stratégies :
- « Faire avec » les enfants tels qu’ils sont et non pas tels que l’on voudrait qu’ils soient, avec leur histoire, leurs problèmes, leurs représentations, leurs différences.
- « Faire comme si pour faire vraiment », rendre l’enfant capable de faire ce qu’il ne savait ou ne pouvait faire en le mettant en situation.
- « Faire ici pour apprendre à faire ailleurs », apprendre aux enfants à se situer dans un espace et un temps donné, de l’échelle de la classe à celle de la planète.
- « Faire ensemble », pédagogie coopérative, travail commun. On apprend avec l’autre dans une forme de développement solidaire.
La démarche de projet : une méthode pédagogique favorisant la participation et la coopération
Philippe Meirieu souligne à plusieurs reprises l’importance de la démarche projet dans la logique éducative : « Faites ensemble… faites avec…Coltinez-vous une tâche commune où vous puissiez permettre à chacun d’occuper une place. Certes, pas une place définitive dans laquelle il serait enfermé, mais une place qui, pour un projet défini et sur un temps limité, soit officialisée, sacralisée. Un rôle où il puisse être utile et reconnu. Après, efforcez-vous, sur d’autres projets, de lui permettre de s’essayer à d’autres rôles pour explorer d’autres horizons. Mais, à chaque fois, faites qu’il s’implique et se mette en jeu : il apprendra ainsi, simultanément, à exercer légitimement son autorité et à respecter l’autorité légitime. » En effet, c’est par la médiation de la tâche commune, réalisée en commun, que les hommes trouvent leur place dans le monde, apprennent à le respecter et à se respecter.
La pédagogie de projet permet d’amener chaque élève, d’une manière ou d’une autre, à réfléchir sur la chaîne des décisions qui déterminent son avenir, celui de son quartier, de sa ville, de son pays, de la planète qu’il habite. Il comprendra qu’aucune décision, aussi insignifiante soit-elle à première vue, n’est innocente au regard de la solidarité qui nous unit, de l’interaction permanente entre tous les éléments qui constituent le monde dans son infinité fragile.
Ainsi en invitant les enfants à « projeter ensemble », on impulse une éducation à la politique, à la prise de décision, à la démocratie, à la réflexion critique, à la solidarité, au débat, à la citoyenneté...
« Comment pouvons-nous éduquer à l’environnement, éduquer à un monde plus solidaire si nous ne permettons pas, dès l’enfance, que chacun soit reconnu pour ce qu’il est et trouve un rôle dans lequel il peut se réaliser au service du collectif ? ».
Cet article a été écrit à partir des documents suivants :
- Conférence « Eduquer à l’environnement : pourquoi, comment ? Du monde objet au monde projet » lors du forum Planèt’ERE 2 en 2001.
- Ouvrage : "Le monde n’est pas un jouet", P. Meirieu, Ed Desclée de Brouwer, 2004.
- Préface de l’ouvrage collectif "Education à l’environnement, la pédagogie revisitée", D.Charron, J.Charron, JP.Robin, Ed. Sceren et CRDP de l’Académie de Grenoble en 2005.