Concerter pour renaturer, avec qui et comment ?

La coopérative lyonnaise "Atelier Pop Corn" accompagne la concertation des végétalisations de cours depuis 2 ans maintenant. L'espace de cour de récréation est bien plus complexe qu’il n’y paraît et révèle souvent bien des potentiels et opportunités.

Crédits : PopCorn

Thématique "La concertation"

Les articles de ce Dossier n°10 ont été classés sous 3 thématiques : "L’enfant et les apprentissages", "Normes et sécurité", "La concertation".


- « Pourquoi va-t-il y avoir des travaux dans notre cour de récréation ? »
- « Pour trois raisons principales :

  • Pour avoir moins chaud en s’appuyant sur les supers pouvoirs des arbres qui rafraîchissent et font de l’ombre et contrer le super pouvoir du goudron qui garde toute la chaleur
  • Pour permettre aux petites gouttes d’eau de faire leur voyage en entier : des nuages à l’océan et la mer, en passant par les rivières ou les nappes phréatiques. Aujourd’hui, les petites gouttes d’eau de pluie restent bloquées dans la cour de récréation sur le bitume ou bien partent dans les égouts.
  • Pour que chacune et chacun d’entre vous se sente bien, soit épanoui•e, heureux•se, puisse construire de jolis souvenirs. »

Voici souvent comment démarrent nos premiers ateliers auprès des enfants dont l’école a été identifiée comme prioritaire pour un projet de renaturation / réaménagement / végétalisation.

Comprendre le « pourquoi » est la première étape de tout projet, et ce tant avec les adultes qu’avec les enfants. Si les enjeux environnementaux émanent pour tous nos projets d’une commande politique et constituent le cadre de travail, ils s’enrichissent des enjeux pédagogiques et sociaux co-constuits et partagés avec les adultes associés au projet : coordinateur•trices de territoires, responsables de secteurs, services techniques, enseignant•es, animateur•trices, ATSEM, AESH, AVS, ASEP, gardien•nes…
Car cet espace de cour de récréation, souvent réduit dans sa géographie est pourtant bien plus complexe qu’il n’y paraît et révèle souvent bien des potentiels et opportunités.

La coopérative lyonnaise Atelier Pop Corn accompagne la concertation des végétalisations de cours depuis 2 ans maintenant. Nous avons à notre actif près de 15 projets de cours de crèche, écoles maternelles et élémentaires en Auvergne-Rhône-Alpes conduits pour des territoires ruraux et urbains.
Cette expérience nous a conduit à capitaliser, créer, inventorier de nombreux outils pour aborder ces sujets. Nous les mettons d’ailleurs à disposition des équipes enseignantes et d’animation lorsque nous démarrons un nouveau projet. Mini expériences, activités manuelles, invitations au jeu libre, jeux coopératifs, photolangages… sont quelques outils fréquemment utilisés pour créer les conditions d’un bon démarrage de projet.

Si notre process est toujours le même :
1. sensibiliser
2. diagnostiquer/faire l’état des lieux
3. Faire exprimer les envies
4.Transmettre la matière à la maîtrise d’œuvre
5. Suivre et évaluer le projet
…il n’y a pas un seul projet qui ressemble à un autre.

Et c’est bien là la richesse de ce type d’accompagnement.
Il ne s’agit pas de « copier-coller » un aménagement qui marcherait bien à un endroit vers un autre. Chaque école, crèche vit et fonctionne au quotidien avec des enfants et des adultes qui n’ont pas le même affect, lien avec la nature, les mêmes freins, peurs, obstacles à surmonter, le même espace à disposition, les mêmes sensibilités pédagogiques ni la même aptitude à s’adapter au changement.
Nous prenons donc toujours le temps d’écouter, d’observer, de questionner pour comprendre à chaque fois d’où l’on part et quels sont les points sur lesquels nous devrons travailler en priorité.

Crédits : GRAINE ARA
Stéphanie Cagni pendant sa présentation le 1er octobre 2021.

Nous nous heurtons parfois à des situations qui nous conduisent à recommander l’intervention d’un•e animateur•trice nature pour poursuivre la sensibilisation initiée. Dans une école primaire, après une discussion en classe autour des supers pouvoirs des arbres et leurs bienfaits un enfant m’interpelle « Non mais madame, arrêtez ! On sait que la forêt ça n’existe que dans les histoires pour enfants. » Jamais cet enfant n’était sorti de la ville, jamais il n’avait foulé un sentier entre futaie et clairière, jamais il n’avait senti l’odeur de l’humus, touché la mousse fraîche. Je ne vous parle pas de cueillette de champignons, de sculpture de bâtons ou de construction de cabanes… Pour cet enfant, le parc de la Tête d’or ou celui des hauteurs à Lyon étaient des forêts. Un ensemble d’arbres, relativement bien ordonnés dans lesquels parfois par chance on venait faire de l’accrobranche. « Mais c’est cher, alors on ne va pas en forêt tout le temps, on va au parc à côté de chez moi où il y a des jeux gratuits ! ».

C’est là que le temps du projet, souvent long pour celles et ceux qui vivent les lieux, est une opportunité


Parfois ce sont les adultes dans les écoles qui ont besoin de temps, de reprendre contact avec la nature, de se faire confiance. Une enseignante un jour nous a dit « Je trouve ce projet de renaturation de la cour super mais je me sens en difficulté pour dire vrai. Je ne sais même pas faire la différence entre un hêtre et un chêne par exemple. Suis-je légitime pour en parler aux enfants ? Sur le tableau blanc numérique interactif, je cherche sur internet et je leur montre l’image, au moins je suis sûre de ne pas faire d’erreur ».

C’est là que le temps du projet, souvent long pour celles et ceux qui vivent les lieux, est une opportunité. Accompagner les projets de végétalisation qui de déroulent dans le meilleur des cas sur 12 mois - le plus souvent sur 18 à 24 mois - c’est permettre d’être de nouveau attentifs aux saisons, au temps qui passe et qu’il fait. « On ne peut pas sortir quand il pleut. Les enfants n’aiment pas être mouillés et surtout nous allons passer pour des inconscients si les enfants tombent malades à cause de cela. »

Et les parents dans tout cela ? Comment sont-ils associés? Pour notre part, nous prenons le parti de les informer tout au long du projet en les questionnant au démarrage pour connaître leur sensibilité aux enjeux, leurs freins et recueillir leurs interrogations et commentaires, nous les informons de la manière dont nous allons travailler avec leurs enfants et enfin nous leur partageons le résultat de la concertation : l’état des lieux de la cour, ce qui fonctionne et qu’il faut préserver et a contrario ce qu’il est nécessaire d’améliorer ; puis ce que les enfants et adultes ont pu exprimer comme envies. Si nous faisons le choix de ne pas les associer sur les phases de diagnostic et préconisations, c’est qu’ils ne vivent pas la cour au quotidien comme les adultes de l’école ou leurs enfants qui sont eux associés de la même manière que les enseignant•es, les animateur•trices… C’est un sujet majeur pour nous que la parole de l’enfant recueillie dans le cadre de ces projets soit placée au même niveau d’importance que celle des adultes.

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