Culture et éducation relative à l'environnement vers le développement durable

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La culture

La Culture peut être l’ensemble des acquisitions individuelles, des connaissances, tout ce qui est acquis par l’individu (culture générale) en opposition à ce qui est inné (la « nature » de l’homme).
La Culture peut aussi être l’héritage d’un groupe de personnes, le patrimoine collectif (le Ministère de la culture, les beaux-arts, les monuments, les créations artistiques, les techniques, les arts, les industries culturelles…). La culture ici regroupe les différents arts et divertissements, les activités non productives, les activités qui font appel au sensible, à l’expression et non pas à la raison…

Les cultures au sens ethnologique1

La Culture, ou les cultures, peuvent aussi être définies d’un point de vue ethnologique ou sociologique comme étant le style de vie, les pratiques, les savoir-faire, les valeurs, les représentations, les goûts, les croyances, les règles, l’imaginaire, qui imprègnent les individus au sein d’un groupe. La culture collective comme « unité fixatrice d’identités ». Ici, on entendra la culture comme étant spécifique à un groupe, évoluant sans cesse dans le temps et l’espace.>br> Les dimensions culturelles2 agissent sur les représentations et la vision du monde des individus. À travers la langue par exemple, on dégage des catégories de représentation de la nature avec un vocabulaire plus ou moins riche, la capacité de nommer des éléments est très variée et dépend souvent de l’environnement. Par exemple, les Inuits distinguent près de 30 nuances de neiges différentes impossibles à discerner pour un œil occidental.
Dans l’expression « culture et développement durable », on cherche à prendre en compte la notion de particularité culturelle, de diversité, dans l’élaboration d’un développement durable. Ainsi il s’agit plutôt de la notion de culture au sens ethnologique. En prenant en compte la diversité culturelle dans les pratiques locales, on évite d’imposer une vision eurocentrique ou mondialisatrice du développement durable et on laisse le champ ouvert à une variété de pratiques et d’acceptations de ce terme.
Lors du Congrès Mondial de Turin (2005), le point a été mis sur l’importance de la « diversité culturelle » et le fait qu’elle rend « culturellement plus stimulants la comparaison et l’échange de méthodes et de bonnes pratiques ».

Quelle place pour la culture au sein du développement durable ?

Un terme flou 

Le développement durable est un terme qui trouve à la fois sa force et sa faiblesse dans le flou de sa définition. En effet, il n’y a pas d’acception unique et ce terme sert parfois de « fourre-tout » ou d’argument de communication. Toutefois, il véhicule une grande variété d’appropriations et de conceptions très intéressantes.
Depuis quelques années, ce terme commence à pénétrer tous les milieux : idéal partagé ou outil de marketing ?
Lors d’une consultation des acteurs francophones de l’EEDD, « Planet’ERE* » (2005) a dégagé 5 grands pôles en partant des termes spontanément associés à l’EEDD - la vie, les valeurs, la responsabilité, la compréhension et l’agir - cinq dimensions de l’éducation.
Le développement durable est une « démarche qui vise à trouver un équilibre entre les exigences des hommes et celles de la nature, les besoins des pays riches et ceux des pays pauvres, les nécessités sociales et les réalités économiques. » (Développement durable à la recherche de l’équilibre, N°5 Collection du nez en l’air). Il faut donc trouver un équilibre entre les 4 piliers du développement durable : l’économique, le social, l’environnemental et le culturel…

Une inscription dans le temps

Le développement, lorsqu’il prend en compte les dimensions immatérielles, et donc culturelles, s’inscrit dans une démarche de continuité entre un « passé culturel » et un « futur culturel », entre des mémoires et des espérances : « la créativité regarde vers le passé, puisant dans la mémoire et le patrimoine, et se tourne vers le futur pour imaginer le nouveau et le possible » (Documentation de l’Unesco, Paris, 2001). Reconnaître l’importance de cette démarche de cohérence entre le passé et le futur local, c’est inscrire le développement dans une vraie durabilité. Respecter les acteurs et populations locales et laisser le développement revêtir des formes de diversité culturelle, c’est s’éloigner d’un modèle unique centré sur l’économie « libérale » et valorisé par la « mondialisation » en cours. On parle aussi de « passé pertinent » et d’ « avenir désirable ». Pour être durable, il faut prendre en compte la notion de transmission dans le temps d’une génération à l’autre, de tradition, d’héritage, de parentalité.

Une inscription locale, dans l’espace 

Le développement durable a une portée globale et planétaire dans ses fondements, mais son inscription se fait localement dans de petites zones géographiques, avec les acteurs locaux. « Les trames peuvent être universelles, mais les représentations sont locales » (Documentation UNESCO, Paris, 2001). D’après François Terrasson, « un paysage se révèle être une conception du monde. La société se projette sur le territoire qu’elle aménage, elle exprime par son comportement ce qu’elle pense de la nature », chaque société a son propre rapport à la nature. Il est donc nécessaire de savoir accepter la différence et la particularité d’une culture. Par exemple, la réintroduction du loup n’aura pas le même impact dans les Pyrénées que dans les Alpes. Chaque lieu a sa propre histoire, sa propre culture, ses propres représentations « à chaque territoire se greffe une identité culturelle de mœurs et de coutumes qui conduisent à voir les autres d’une certaine manière » (INRP).
En niant les représentations locales et les particularités culturelles d’un endroit donné, le développement durable dans le passé a parfois bouleversé des populations au lieu de se situer dans la continuité des pratiques et croyances locales (ex : création d’une réserve naturelle à Madagascar sur un territoire de chasse et cueillette pour les communautés nomades autochtones, territoire chargé d’une forte symbolique dans la tradition ancestrale).

« L’espace relève de l’existentiel et donc de l’identité : la prise en compte de l’exploration des représentations, des images, et des symboles nous permettrait d’accéder à une pédagogie de l’imaginaire, donc une écoute du sensible du milieu » (INRP).

Nécessité d’une prise en compte de l’immatériel

La culture d’un peuple, d’un groupe ou d’une communauté se caractérise par des éléments matériels mais aussi immatériels, le «développement durable repose lui-même sur une très profonde infrastructure immatérielle » (Documentation Unesco, Paris, 2001). Désormais on parle même de « diversité durable » : démarche de développement qui s’inscrit dans le respect de la spécificité culturelle et le développement immatériel, sans laquelle le développement ne peut être durable. Cette idée rejoint celle de plus en plus communément admise : pour un développement durable, la participation des populations locales est nécessaire, désormais il faut prendre en compte les valeurs, représentations, symboliques et aspirations futures des acteurs locaux afin de ne pas rester dans une relation de domination occidentale voire de « cannibalisme culturel3 » de l’Occident.
Dans le passé, les indicateurs du développement restaient pour la majorité matériels et quantitatifs et donc témoins du développement économique (nombre de bâtiments, ponts, écoles) et ignoraient la portée sociale et culturelle de leur propre démarche, il est impératif de ne plus dissocier le développement matériel et immatériel par la suite.

«La motivation collective ne peut surgir que des cultures entendues comme des cadres intégrant du sens, de la croyance, de la connaissance et de la valeur » (Documentation de l’ Unesco, 2001).

Il faut reconnaître la richesse culturelle de l’humanité au même titre que la biodiversité : « La diversité des cultures, patrimoine de l’humanité, tout comme le patrimoine naturel qu’est la biosphère, doit être protégée afin d’être transmise aux générations futures » (Commission Française du Développement Durable, 2002).

Le rôle des acteurs

Des acteurs à grande échelle

Ces derniers oeuvrent pour la prise en compte de la dimension culturelle au sein du développement durable. L’Unesco fait maintenant campagne pour une prise en compte de la diversité culturelle dans les problématiques de développement durable avec sa Déclaration Universelle sur la diversité culturelle adoptée en 2001 (en lien avec le Programme des Nations Unies pour le Développement -PNUD- et le Programme des Nations Unies pour l'Environnement -PNUE). On parle désormais de « l’indivisibilité de la culture et du Développement pour une Diversité Durable ».
Cette prise en compte par des structures internationales et puissantes est indispensable car la pression  commerciale exercée sur les gouvernements en faveur du marché global compétitif aboutit trop souvent à un abandon des priorités culturelles.
L’Unesco, la Commission Française du Développement Durable, l’Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie, le PNUD, le PNUE et encore d’autres institutions reconnaissent désormais la Culture comme le 4e pilier du développement durable au même titre que l’économie, la préservation de l’environnement, et les préoccupations sociales.

Les acteurs locaux

Les acteurs locaux, les professionnels de l’éducation, et de l’animation à l’environnement, doivent s’imprégner de la dimension culturelle du développement durable afin de la véhiculer dans leurs démarches pédagogiques. Cette orientation permet de replacer l’enfant ou l’adulte dans une problématique locale, à son échelle, et de lui faire appréhender le monde qui l’entoure de manière plus appropriée :  « L’élève est un être déterminé, vivant dans un environnement localisé, qui a des expériences et des représentations propres » (INRP). Il faut favoriser à travers l’éducation : l’appropriation du lieu et de l’environnement, l‘appropriation de sa propre culture environnementale, et la compréhension des capacités d’agir ici. Ainsi on préserve une identité régionale qui fait référence concrètement pour ses acteurs.
Serge Antoine, Président d’honneur du Comité 21, précisera « l’éducation est par-dessus tout, celui des vecteurs du développement durable qui doit être le plus attentif à l’identité culturelle et à la diversité culturelle. »

L’éducation à l’environnement se place sur cette terre du milieu entre la rationalité et l’intuition faite d’approches aussi rigoureuses et actualisées que riches en attention pour l’art, pour les différentes formes d’expression créatives, et pour les traditions populaires, bref, pour tout ce qui suppose une implication et un apprentissage même émotif et qui nous met en contact avec l’altérité, et avec la totalité de la Terre Mère. » (Congrès Mondial de Turin, 2005).


En prenant en compte la localité géographique (à travers la notion de patrimoine et de pratiques locales), mais aussi l’importance du temps (de l’héritage, de la construction d’un avenir qui respecte le passé) et de toute la richesse immatérielle (symboliques, représentations, vision du monde), on rend la démarche de développement durable indissociable du respect de la diversité culturelle. L’ouverture sur le monde peut passer par l’éducation à l’environnement. Comprendre ce qui est ici aide à mieux comprendre ce qui est là-bas. L’adaptation des hommes à des milieux naturels de manières très diverses peut être la démonstration de la diversité culturelle…

Pistes pédagogiques à explorer 

Art et nature

Les arts éphémères permettent un travail émotionnel et créatif qui peut être à la base d’une éducation au développement durable. En effet, pour susciter une volonté d’engagement, au-delà du savoir, il faut provoquer des émotions, développer un rapport sensible avec l’environnement, « La nature produit comme effet principal l’éveil de la pensée émotionnelle » dit François Terrasson. Les « arts et nature » peuvent contribuer à cette approche sensible et émotionnelle de l’EEDD, et permettre le passage d’un apprentissage théorique à une appropriation comportementale de l’environnement.

Appropriation du lieu, importance de la perception au niveau local

Un autre domaine où l’EEDD peut intervenir, c’est dans l’appropriation de l’environnement local, direct, en passant par la description topographique et écologique, le patrimoine naturel et historique, du lieu où il se trouve, le pédagogue peut orienter vers une réelle appropriation du milieu et donc susciter un engagement ou au moins une sensibilisation à l’environnement direct. Comment agir chez soi, dans son environnement habituel ? « En partant du local ou du territoire d’appartenance et de ses problèmes spécifiques, il serait plus aisé par la suite de relier aux autres espaces socioculturels dans une perspective comparatiste et interculturelle, et enfin à l’espace monde où le développement durable prendrait vraiment sens. » (INRP)
Lors du Congrès sur l’éducation à l’environnement à Turin en 2005, on parlait même de « sens des lieux » comme étant la condition sine qua non pour une attitude de soin envers le territoire. En effet, la prise de conscience au niveau global est de plus en plus présente, mais les comportements au niveau local n’évoluent pas en proportion. Il faut donc réhabiliter une prise de conscience au niveau local qui a été ombragée par la vague mondialisatrice (qui met en avant les problématiques globales et rend la nature « universelle » et anonyme), afin d’aboutir à une réappropriation du milieu.
François Terrasson explique aussi « tous les paysages signifient pour celui qui regarde. Il les ressent, il les interprète, il les rêve même suivant le sens qu’il donne à une courbe de vallée, à la clarté de l’eau, à la luxuriance des herbes folles », ainsi la valeur symbolique des éléments naturels est particulière à chaque individu, cela peut être intéressant de travailler sur ce qu’un paysage évoque ou fait ressentir.
Ainsi, « Le développement durable passe par la valorisation des initiatives et expérimentations locales, en se gardant de les transposer telles quelles ailleurs. » (Sylvain Allemand)

Exemples d’activités pédagogiques 

- Montrer que la nature est transformée et refabriquée pour les besoins de l’homme, essayer de trouver les modifications avec les acteurs territoriaux (maquettes, photos, promenades, explications).
- Démontrer que le paysage actuel est le résultat d’une histoire socioculturelle.
- Evoquer la diversité des usages de la nature (vision amérindienne de la nature, écotourisme, exploitation industrielle, agriculture, savoirs locaux, artisanats, produits du terroir…).
- Comparer les méthodes de cartographie occidentale et Innu, par exemple, pour montrer les différences de perception du territoire en fonction de la culture et des pratiques. Le site suivant contient des fiches pédagogiques sur le Développement Durable (peuples autochtones, commerce équitable).


  1. L'ethnologie étudie les groupes humains en s'appuyant sur les caractéristiques de leur culture : leurs pratiques et leurs représentations du monde et de leur environnement.
  2. Exemples de dimensions culturelles : langue, alimentation, consommation, techniques, habitat, rapport à la nature, architecture…
  3. Cannibalisme culturel : imposition d’une culture et d’un mode de pensée à des populations, souvent à travers des formes plus ou moins dérivées de colonisation.

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