Lancé par le Centre de Recherches sur les Ecosystèmes d’Altitude (CREA), le programme Phénoclim a pour ambition d’apporter sa pierre à l’édifice de l’éducation à l’environnement, tout en mettant à profit la spécificité de sa structure porteuse. L’objectif est de traiter la notion de biodiversité avec le regard d’un chercheur en écologie. Phénoclim est un programme de sciences participatives qui implique directement le public dans la collecte de données. Les observateurs volontaires (écoles, particuliers, associations, espaces protégés) notent la date d’évènements saisonniers (floraison, ouverture des bourgeons, chute des feuilles) sur des plantes situées à proximité de chez eux. Ces stades du développement des végétaux étant fortement liés à la température, ils sont de bons indicateurs de l’impact du changement climatique sur la biodiversité. Communiquées au CREA par le biais d’Internet, ces observations sont mises en relation avec les données envoyées par un réseau de soixante stations de température. Un dispositif d’accompagnement a été mis sur pied afin que chacun puisse devenir observateur, sans aucune connaissance naturaliste préalable. Si le programme permet aux participants de redécouvrir la biodiversité ordinaire, il donne aussi l’occasion d’aller plus loin dans la compréhension de la démarche scientifique grâce à des lettres de synthèse régulières ou des interventions en classe pour les scolaires.
Cela leur permet de passer d’une position de simple réception d’une information à une posture citoyenne d’implication et d’engagement.
Loin de l’idée erronée selon laquelle la biodiversité est un sanctuaire d’espèces rares et protégées, on redonne ici sa place à la nature ordinaire qui est pour le scientifique un objet d’étude tout aussi important. La notion de diversité des espèces est au cœur du programme puisque les participants notent eux-mêmes que tous les arbres ne répondent pas de la même manière aux variations de température. Il s’agit d’aborder la question des modifications environnementales en évitant l’écueil consistant à alarmer le public sur l’impact de l’homme sur l’environnement. En effet, cette approche culpabilisante n’est pas forcément déclencheuse d’action. Par le biais des sciences participatives, les observateurs prennent conscience de ces évolutions de leurs propres yeux, tout en contribuant à l’avancée d’une étude scientifique. Cela leur permet de passer d’une position de simple réception d’une information à une posture citoyenne d’implication et d’engagement.
Alors que la biodiversité et le changement climatique ont largement investi la scène politique et médiatique, il parait nécessaire de donner les clés du débat scientifique au public. On attend souvent des spécialistes une information non équivoque permettant la prise de décision immédiate. Un état de fait lié à une méconnaissance du monde de la recherche et de la procédure de validation des savoirs scientifiques. La complexité de la réponse des écosystèmes au changement climatique en est un bon exemple puisque toutes les espèces ne décalent pas leurs rythmes saisonniers en réponse à l’augmentation de la température. Cela impacte leurs interrelations (proies/prédateurs, plantes/pollinisateurs) et certaines espèces bénéficieront du changement climatique alors que d’autres en seront victimes. Plutôt que de qualifier l’évolution de la biodiversité de « bonne » ou « mauvaise », il s’agit d’illustrer les mécanismes en jeu et de fournir aux participants les connaissances nécessaires afin de leur permettre de choisir l’attitude qu’ils souhaitent adopter face à ce nouvel « ordre biologique » que nous contribuons à créer.